Bernard Lorjou

Bernard Lorjou, est né à Blois le 8 septembre 1908, est l’un des artistes français les plus fascinants du XX ème siècle. Par son œuvre et par sa personnalité, il dérange, voire bouleverse le monde artistique de son temps.

Biographie de Lorjou

Bernard LORJOU naît à Blois le 9 septembre 1908. Sa vie s’inscrit dans le XXème siècle, l’un des plus sombres dans l’histoire de l’humanité. Son œuvre artistique bouleversante, véhémente, dérangeante, représente un témoignage essentiel de la traversée de ce siècle avec une conception de l’Art  qui se doit d’y associer à la fois de la manière éthique et esthétique. Voir le tableau

Lorjou est le 3ème et dernier enfant, non désiré, d’une famille modeste fixée dans un faubourg de Blois. « Mal aimé » par sa Mère, rejeté par le milieu scolaire en raison de son caractère difficile, de son indiscipline et de ses résultats scolaires médiocres, il affirme très tôt son ambition : Devenir artiste peintre. Malgré un échec à l’examen d’entrée à l’École des Arts Décoratifs de Paris, il décide, vers l’âge de 16 ans, de « monter » à Paris. La capitale n’est pas alors très accueillante pour les jeunes adolescents isolés et sans fortune, c’est un peu la lutte pour la vie. Mais Lorjou est malin, débrouillard, il survit  à coups de  petits boulots avant d’être engagé comme garçon de courses, puis promu au rang d’apprenti  dessinateur chez le soyeux Ducharne. Il y rencontre bientôt Yvonne Mottet qui devient son mentor, sa compagne et plus tard son épouse.

Rebelle par nature, autodidacte par obligation, anti-académique par réaction, il va pouvoir enfin commencer sa formation de dessinateur et surtout de coloriste en réalisant chez Ducharne des créations de motifs pour tissus. Il se cultive sur le terrain, en fréquentant cénacles et cercles de jeunes artistes, des acteurs, des écrivains. Il apprend à peindre dans des  académies libres, en parcourant les salles du Louvre, en rencontrant nombre de jeunes artistes à Montparnasse ou à Montmartre. En 1928, il envoie pour la première fois un de ses tableaux au Salon d’Automne.

1931 est une année importante. Il découvre, au Prado, à Madrid, les œuvres du Gréco, de Vélasquez et surtout de Goya: « Les Caprices » et « Les Désastres de la guerre », ses célèbres gravures et les tableaux « Dos de Mayo » et « Tres de Mayo ».

À  l’instar de Goya dont il se sent très proche, Lorjou considère pour que l’Art ait une portée humaniste, universelle, il lui faut s’inscrire dans un combat social et politique digne de l’Homme. La vraie tâche de l’Artiste ne sera plus uniquement de faire de l’Art pour l’Art, il devra être présent, homme engagé et responsable.

Au sujet de l’Homme-Témoin, groupe qu’il créera en 1948, Lorjou exprime en 1972 : 

« Il y a 2 sortes de peintres : celui qui vit l’art pour l’art, et celui qui vit les évènements de son époque. J’appartiens à la seconde catégorie… Je pense que le rôle de l’artiste, c’est de transcender par l’Art cette espèce d’état pour apporter quelque chose à l’humanité ».

Bernard Lorjou 1972

C’est en 1948, que Lorjou reçoit, ex-æquo avec Bernard Buffet, le Grand Prix de la Critique et que le groupe « Homme Témoin » est créé et composé de Bernard Lorjou, du Critique d’Art Jean Bouret, d’Yvonne Mottet, de Paul Rebeyrolle, d’André Minaux, de Michel de Gallard, de Simone Date et un peu plus tard de Bernard Buffet. Le groupe se déclare violemment hostile à l’Art Abstrait, alors en pleine expansion, et affirme que:  «Le Peintre est là  pour rendre témoignage, et rien de ce qui est humain ne doit pas lui rester étranger ». Voir la photo

Le peintre est là pour rendre témoignage, et rien de ce qui est humain ne doit lui rester étranger

Bernard Lorjou – 1948

Lorjou est alors un peintre reconnu, avec des collectionneurs fortunés (Domenica Walter) et des galeries prestigieuses (Georges Wildenstein) pour le soutenir. C’est une période de création intense : il poursuit son combat en faveur de la reconnaissance du Figuratif  et de l’Expression; il attaque les tenants de l’Abstraction avec une véhémence qui le desservira auprès des  officiels et des circuits de l’art. Ses sujets sont actuels et à l’échelle humaine.

Il dénonce les guerres au travers de tableaux « La Chasse aux fauves », « Les Massacres de Rambouillet », « Colombe assassinée », la guerre d’Algérie « Renard à Sakiet », la pollution « L’Usine d’incinération de la Ville de Paris », les menaces biologiques et bactériologiques « La Peste en Beauce », « L’Age Atomique », la ségrégation raciale « Blancs et Noirs ». Plus tard, il fustigera l’Assassinat de Sharon Tate, l’invasion de l’Afghanistan et son ultime exposition sera consacrée au SIDA. Encore actuellement les œuvres restent dérangeantes tant en raison de leur sujet que par la vigueur du style.

Mais, dans le même temps, il se laisse aller au pur plaisir de la peinture . Il  réalise un grand nombre de toiles selon des thèmes qui lui sont chers : Cirques, Écuyères, Arlequins, Saltimbanques, Scènes de Corrida, Musiciens, Bouquets de Fleurs…

Contestataire et provocateur, il s’amusera souvent à se démarquer des lieux d’expositions classiques pour privilégier de vrais spectacles, des « happenings », en des lieux inhabituels :Esplanade des Invalides à Paris, Exposition Universelle de Bruxelles, , péniche sur la Seine, expositions en plein air à Sarcelles, ce qui compliquera ses relations avec ses marchands.

La peinture de Lorjou est  puissante et originale. Simple au premier abord, elle se révèle à l’étude bien plus complexe que prévu, l’œuvre étant fortement structurée par un dessin solide et charpenté (études d’animaux, dessins préparatoires pour « La Chasse aux Fauves »). Avec le temps et l’expérience, le dessin sera plus virtuel.

Lorjou jette alors ses couleurs, au premier plan, en un choix qui paraît arbitraire et aléatoire, dans une gamme chromatique parfaitement inhabituelle, mais  avec un pouvoir d’exaltation réciproque qui traduit l’émotion du peintre dans l’instant de la création. Il se joue des perspectives, les formes sont volontairement caricaturales et obéissent à l’imagination, les à-plats colorés se superposent, se chevauchent, se recouvrent, morcellent et dirigent le regard du spectateur là où veut le peintre. Et, sur les grandes toiles lyriques et flamboyantes qui racontent des grands pans d’Histoire, il faut aller rechercher derrière, dans les coins, dans les zones parfois plus sombres, les détails et les personnages qui permettent, parfois difficilement, de découvrir les intentions et les émotions de l’artiste.

Aujourd’hui encore, Lorjou est bien présent dans le monde de l’Art avec son œuvre qui perpétue son combat contre le fanatisme, l’intolérance, les inégalités et les injustices. Sa conception de l’art apparaît  tellement généreuse et humaine, alors que tant d’avant-gardes s’épuisent dans leur vocabulaire esthétisant.

Il n’y a pas de grands peintres
qui n’ont pas fait de grandes toiles.

Bernard Lorjou – 1970

Les dessous du Visible

Vidéo de Jean Mineraud consacrée à Bernard Lorjou. Vous pouvez la voir ici

Interview de Lorjou

Interview de Bernard Lojou, menée par Florence Gruere et réalisée par Claude Gallot. Elle est archivée à l’INA.

Vous pouvez l’apprécier ici

Encyclopédie Wikipédia

Une page est consacrée à Bernard Lorjou

Vous pouvez la consulter ici